Décision de police sanitaire
Contexte
Les pouvoirs publics, soit au niveau européen (Commission Européenne), soit au niveau national (Autorité Compétente), disposent de pouvoir pour prendre des mesures de police sanitaire nécessaires lorsque la santé de la population est menacée ou pour préserver la santé humaine.
Des dispositions sont prises dans les directives européennes de mise sur le marché et plus particulièrement à l'attention des autorités compétentes (l'ANSM en France), mais également dans le Code de la santé publique et en précisant notamment les structures désignées pour porter cette mission de police sanitaire.
Les mesures sont prises soit en cas de danger ou suspicion de danger (mesure de précaution), soit en cas de non conformité aux exigences législatives et réglementaires.
Dans le domaine des DM, c'est l'ANSM qui a en charge la conduite des actions de police sanitaire et de la coordination avec le niveau européen.
Ainsi, son directeur général exerce au nom de l’État cette attribution, qui porte chaque année de nombreuses décisions de police sanitaire.
Mesures en cas de danger ou de suspicion de danger
Le réglement prévoit en son article 10 que " « Si une autorité compétente considère ou a des raisons de croire qu'un dispositif a causé un dommage, elle facilite la communication, sur demande, des informations et des documents visés au premier alinéa au patient ou à l'utilisateur ayant potentiellement subi un dommage et, le cas échéant, à son ayant-droit, à sa compagnie d'assurance maladie ou à d'autres parties tierces concernées par le dommage causé au patient ou à l'utilisateur, sans préjudice des règles en matière de protection des données et, à moins qu'un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation des informations en question, sans préjudice de la protection des droits de propriété intellectuelle »
.".
L’État membre en informe alors la Commission et tous les autres États membres en indiquant les motifs justifiant sa décision. La Commission consulte les parties intéressées et les États membres dans tous les cas où cela est possible.
La Commission émet son avis en indiquant si les mesures nationales sont justifiées ou non. Elle en informe tous les États membres et les parties intéressées qui ont été consultées.
Le Code de la santé publique (article L5312-1) mentionne que « l'ANSM peut soumettre à des conditions particulières, restreindre ou suspendre les essais, la fabrication, la préparation, l'importation, l'exploitation, l'exportation, la distribution en gros, le conditionnement, la conservation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la publicité, la mise en service, l'utilisation, la prescription, la délivrance ou l'administration d'un produit ou groupe de produits,sa mise en service ou son utilisation, lorsque ce produit ou groupe de produits soit présente ou est soupçonné de présenter, dans les conditions normales d'emploi ou dans des conditions raisonnablement prévisibles, un danger pour la santé humaine. »
« La suspension est prononcée, pour une durée n'excédant pas un an en cas de danger ou de suspicion de danger. L'agence peut interdire ces activités en cas de danger grave ou de suspicion de danger grave pour la santé humaine. »
Cette partie de l'article du CSP correspond à des mesures de précaution. Elles sont mises en œuvre :
- soit en cas de protection rapide des personnes lorsque des faits graves sont rapportés et que les actions à prendre pour faire cesser le danger nécessite un temps d'évaluation (ex : Décision du 16/08/2001 suspendant l'utilisation de certaines têtes de prothèse de hanche de céramique zircone)
- soit en cas de réévaluation du rapport bénéfice-risque car des faits nouveaux non-identifiés auparavant sont rapportés (ex : Décision du 30/04/2012 fixant une condition particulière concernant des lits médicaux pour adultes équipés de barrières et des barrières destinées à équiper des lits médicaux pour adultes, destinés à une mise en service en France).
Mesures en cas de non conformité aux exigences réglementaires
Le reglement prévoit en son article 94 que "« Lorsque les autorités compétentes d'un État membre, sur la base des données issues de la vigilance ou des activités de surveillance du marché ou d'autres informations, ont des raisons de croire qu'un dispositif: a) est susceptible de présenter un risque inacceptable pour la santé ou la sécurité des patients, des utilisateurs ou d'autres personnes, ou compte tenu d'autres aspects liés à la protection de la santé publique; ou b) n'est pas conforme, de toute autre façon, aux exigences du présent règlement; elles réalisent une évaluation du dispositif concerné, portant sur toutes les exigences du présent règlement relatives au risque présenté par le dispositif ou à toute autre non-conformité du dispositif. Les opérateurs économiques concernés coopèrent avec les autorités compétentes. »
"
La clause de sauvegarde (article 8 de la directive 93/43/CEE) demande à l’État de membre de notifier immédiatement ces mesures à la Commission Européenne en indiquant les raisons de sa décision.
La Commission engage des consultations avec les parties concernées. Au terme de ces consultations, la Commission doit estimer si la mesure est justifiée ou injustifiées.
L'ANSM peut soumettre à des conditions particulières, restreindre ou suspendre les essais, la fabrication, la préparation, l'importation, l'exploitation, l'exportation, la distribution en gros, le conditionnement, la conservation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la publicité, la mise en service, l'utilisation, la prescription, la délivrance ou l'administration d'un produit ou groupe de produits, sa mise en service ou son utilisation, lorsque ce produit ou groupe de produits est mis sur le marché, mis en service ou utilisé en infraction aux dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables. La suspension est prononcée jusqu'à la mise en conformité du produit ou groupe de produits, en cas d'infraction aux dispositions législatives ou réglementaires.
Cette partie du CSP correspond à des mesures prises en cas de non conformité. Elles sont mises en œuvre, par exemple :
soit lors de contrôle documentaire d'un produit pour marquage CE indû (exemple : Décision de police sanitaire du 23 décembre 2013 portant suspension de mise sur le marché, de mise en service, d'importation, d'exportation, de distribution et d'utilisation de moteurs de chirurgie fabriqués par la société SHANGHAI XINSHENG, Photoelectric Technology Co. Ltd et mis sur le marché ou distribués par la société VIUM MEDICAL ainsi que retrait de ces produits (02/01/2014)),
soit à l'issue d'inspection (exemple : Décision du 07 avril 2014 portant suspension de la fabrication des implants mammaires et des gabarits pour implants mammaires fabriqués par la société Cereplas, jusqu'à leur mise en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires applicables)
Ces décisions peuvent donner lieu par la suite à une décision d'abrogation dans la mesure où les opérateurs se sont mis en conformité ou que l'évolution réglementaire permet de lever la clause de sauvegarde ( ex : Décision du 4 avril 2014 abrogeant le décision du 5 mars 2001 relative à l'interdiction de fabrication, de mise sur le marché, de distribution, d'importation, d'exportation et d'utilisation des dispositifs médicaux de substitution de la dure-mère dans la fabrication desquels sont utilisés des produits d'origine animale).
On pourra également citer l'exemple plus récent de la décision du 2 avril 2019 portant interdiction de l’interdiction de mise sur le marché, de distribution, de publicité et d'utilisation d'implants mammaires à enveloppe macro-texturée et d'implants mammaires polyuréthane, ainsi que retrait de ces produits.
Depuis le 1er février 2014, conformément à la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé et l'ordonnance n°2013-1183 du 19 décembre 2013 et au décret n° 2014-73 du 30 janvier 2014, le directeur général de l'ANSM peut également prendre en cas de non-conformités et manquements aux lois et règlements qui leur sont applicables, des injonctions et prononcer des sanctions financières à l'encontre des opérateurs ayant méconnus leurs obligations.
Les injonctions, prises à la suite d'inspections, à l'issue d'une procédure contradictoire, peuvent concerner tous les opérateurs entrant dans le champ des produits de santé suivis par l'ANSM.
Méthode : Conduite d'une Décision de Police Sanitaire (DPS) par l'ANSM
Sauf en cas d'urgence, la personne physique ou morale concernée par une DPS[1] doit être à même de présenter ses observations avant l'intervention des mesures.
Ceci se traduit par une phrase contradictoire avec les parties intéressées (fabricant, sociétés savantes,...)
Par exemple en cas de non-conformité, l'ANSM élabore un projet de DPS. Le projet doit mentionner les textes concernés, le constat des faits, la motivation, le type de mesure(s) envisagée(s).
Il est accompagné d'un projet de courrier de phase contradictoire qui doit mentionner :
- les faits relevés et les manquements constatés
- les actions correctives pour prévenir ou remédier aux manquements constatés
- la possibilité de répondre par écrit, et de solliciter une audition auprès de l'agence
- un délai de réponse raisonnable et modulé suivant l'urgence et la gravité des faits relevés.
Les parties concernées adressent leur réponse à l'agence.
Si des éléments fournis par les parties concernées sont satisfaisants, la procédure de DPS est close.
Si des éléments fournis ne sont pas satisfaisants, la DPS est signée par le Directeur Général de l'ANSM puis diffusée sur le site internet de l'ANSM et publiée au Journal Officiel.
La Commission Européenne et les Etats membres sont informés de la DPS.