Focus concernant les substances dangeureuses et les phtalates

Contexte

Utilisés comme plastifiants dans l'industrie de certaines matières plastiques comme le PVC, certains phtalates (ex : DEHP[1], DBP[2], BBP[3]) sont connus pour leur toxicité et sont classés avec les produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR[4]) de catégorie 2, selon la directive 67/548/CEE. Les phtalates sont présents dans de nombreux dispositifs médicaux. Dans certaines conditions, cette substance est susceptible d'être relarguée par le plastique.

C'est pourquoi, en 2008, un rapport du SCENIHR (Scientific Committee on Emerging and Newly-Identified Health Risks - SCENIHR[5]), comité rattaché à la Commission Européenne, a proposé de limiter l'utilisation des dispositifs médicaux contenant des phtalates chez certaines populations de patients (prématurés, nouveau-nés, enfants pré-pubères et femmes enceintes ou allaitant) et pour certains actes. Ce rapport a été révisé en 2015.

Ces conditions ont été définies pour tenir compte de la toxicité connue des phtalates, notamment en ce qui concerne l'appareil reproducteur. Les actes retenus sont notamment ceux où la mise en contact prolongée et répétée favorisant le relarqage de ces substances est importante (transfusion, dialyse, nutrition entérale et parentérale...).

En parallèle, la directive européenne 2007/47/CE, modifiant la directive européenne 93/42/CEE relative à la mise sur le marché des dispositifs médicaux, a imposé de nouvelles exigences pour les fabricants de certains dispositifs médicaux incluant des phtalates, classés CMR 1 ou 2.

FondamentalLes substances dangereuses dans le réglement européen

Le règlement (UE) 2017/745 impose des exigences spécifiques en matière de conception et de fabrication de dispositifs médicaux concernant la présence de certaines substances dangereuses.

En effet, certains dispositifs comme les dispositifs invasifs et implantables (mais pas exclusivement) ne peuvent contenir des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR de type 1A et 1B) ni de perturbateurs endocriniens au-delà d'une concentration de 0,1%. (Point 10.4.1 de l'annexe I).

Il est toutefois prévu que dans certains cas leur présence puisse être autorisée si une justification dont les critères sont définis au point 10.4.2 de l'annexe I du règlement est apportée et présente dans la documentation technique auditable par l'organisme notifié.

Les dispositifs médicaux contenant ces substances dangereuses et à une concentration supérieure à 0,1% en fraction massique (m/m), les étiquettes doivent mentionner leur présence. De plus, une notice d'utilisation doit contenir les risques résiduels et les mesures de précaution appropriées si le dispositif médical est prévu pour le traitement d'enfants ou de femmes enceintes ou allaitantes ou d'autres groupes de patients considérés comme particulièrement vulnérables à ces substances

Utilisation des phtalates dans les DM

Le DEHP était le plus utilisé des plastifiants du PVC. Ce diester aromatique de l'acide phtalique entre actuellement pour plus de 50% dans la composition des plastiques à usage médical. Il est combiné par voie thermique au PVC pour former le PVC plastifié.

A l'intérieur du PVC, le DEHP demeure libre au sein de la matrice et n'a pas de liaison covalente avec elle, ce qui donne au PVC une structure souple. Il peut donc migrer facilement hors de la structure PVC, a fortiori dans les produits ayant une forte affinité comme le sang, les mélanges nutritifs contenant des lipides, ou autres médicaments lipophiles en contact.

Du fait de la toxicité du DEHP, ce phénomène d'extraction est préjudiciable, à une exception notable, celui des produits sanguins labiles (PSL[6]). En effet, il a été décrit, dès le début des années 80 que la stabilité des PSL était améliorée par le stockage dans une poche plastifiée avec des phtalates.

Recommandations aux utilisateurs pour DM avec phtalates

Des recommandations aux professionnels de santé utilisateurs de DM pouvant contenir des phtalates ont été diffusées afin de limiter le risque aux populations dites sensibles.

Ces recommandations rappellent notamment que le risque d'une exposition aux DEHP est principalement fonction du type de procédures de soins et du temps de contact avec le patient.

A partir de ces notions bien identifiées et du risque potentiel de reprotoxicité du DEHP chez l'enfant pré-pubère (SCENIHR 2008), il a été identifié une population pour laquelle le risque est maximal : prématurés, nouveaux nés hospitalisés en néonatalogie, enfants et adolescents pré pubères hospitalisés en soins intensifs, en hémodialyse ou en traitement de longue durée.

Elles précisent que le DEHP traverse les barrières cutanée et placentaire, et se concentre facilement dans le lait maternel. Il conviendra donc, de considérer les femmes enceintes ou allaitant en soins intensifs, en hémodialyse ou en traitement de longue durée, (SCENIHR 2008) comme population à risques.

Pour ces populations, il est souhaitable de rechercher des solutions de substitution privilégiant l'utilisation de dispositifs sans DEHP lorsque ceux-ci sont destinés à administrer dans l'organisme et/ou à retirer de l'organisme des médicaments, des liquides biologiques ou autres substances ou dispositifs destinés au transport et au stockage de ces liquides ou substances.

Il est rappelé que le niveau de risque ne justifie pas de renoncer à la réalisation d'un acte en l'absence de solution alternative sans phtalates.

ComplémentGuide pratique sur les phtalates

Europharmat a publié en 2009 un guide pratique sur les phtalates dans les dispositifs médicaux.

L'ANSM a produit des recommandations relatives à l'utilisation des phtalates dans les dispositifs médicaux ainsi qu'un avis aux fabricants concernant l'étiquetage relatif aux phtalates dans un dispositif médical et un rapport de contrôle du marché des dispositifs médicaux en PVC annoncés sans PVC.

Le SCENIHR a publié en 2008 un rapport relatif à « The safety of medical devices containing DEHP- plasticized PVC or other plasticizers on neonates and other groups possibly at risk » qui a été révisé en 2015.

Le Scientific Committee on Health, Environmental and Emerging Risks (SCHEER[7]) a publié en 2019 une version préliminaire de ses « Preliminary Guidelines on the benefit-risk assessment of the presence of phthalates in certain medical devices covering phthalates, which are carcinogenic, mutagenic, toxic to reproduction (CMR) or have endocrine-disrupting (ED) properties ».